Sahara occidental, la dernière colonie en Afrique

Le Sahara occidental, situé au nord-ouest de l’Afrique entre Maroc et Mauritanie, se définit d’abord par ses frontières héritées du colonialisme: elles furent tracées à la fin du XIXe siècle au Congrès de Berlin, et par une série de conventions signées entre l’Espagne et la France. Il se définit surtout par son unité sociale, culturelle, linguistique, celle d’une société bédouine pastorale qui s’est développée dans un écosystème désertique.

Le Sahara occidental reste colonie espagnole jusqu’en février 1976, moment où les deux pays voisins, le Maroc et la Mauritanie, l’occupent militairement après avoir signé un accord avec l’Espagne. L’occupation du Sahara occidental par le Maroc, qui prétend avoir récupéré ce territoire au nom de l’histoire, dure depuis cette date et représente pour le royaume un sujet politique central, tant au niveau intérieur qu’extérieur.

La décolonisation ratée, l’occupation, l’exil d’une partie de la population et la guerre de résistance ont dispersé les Sahraouis sur deux espaces :

  • Le Sahara occidental proprement dit est divisé en deux parties séparées par un « mur » de sable longé de champs de mines, construit par le Maroc à partir de 1982. Ce mur tranche le Sahara du nord au sud : à l’ouest, le long de la côte atlantique, la partie occupée par les Marocains où se trouvent les ressources et les villes, et où la population d’origine sahraouie est devenue minoritaire ; à l’est, la partie libérée par les Sahraouis, longtemps vide et qui peu à peu se repeuple et reprend l’activité pastorale. L’ensemble a une superficie de 266 000 km2.
  • Dans le Sud-Ouest de l’Algérie, sur la hamada de Tindouf, la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) est un État en exil dont la population réfugiée se répartit dans des camps sur une superficie de quelque 5 000 km2. 
La population sahraouie dans son ensemble est évaluée à 500 000 personnes.

Pour se repérer dans le conflit 
du Sahara occidental : quelques dates

Combattant de l’armée populaire sahraouie de libération en 1976

En 1884, la Conférence de Berlin procède au partage de l’Afrique. L’Espagne se réserve le Rio de Oro tout proche des Iles Canaries, mais ne l’occupera vraiment qu’après 1934.

De 1963 à 1975, les Nations Unies inscrivent régulièrement, dans leurs résolutions, le Sahara espagnol comme territoire à décoloniser.

20 mai 1973 : création du Front Polisario et décision de la lutte armée contre l’Espagne.

6 novembre 1975, « Marche verte » : 300 000 civils marocains se transportent vers le Sahara espagnol « pour le libérer », ce mouvement « populaire » cache en fait une opération militaire.

14 novembre 1975 : avec les accords de Madrid, l’Espagne cède sa colonie au Maroc et à la Mauritanie, sans consultation des habitants.

27 février 1976 : proclamation de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD), le jour même où l’Espagne quitte sa colonie.

De 1976 à 1991, date d’un cessez le feu entre le Front Polisario et le Maroc, l’APLS (Armée Populaire de Libération Sahraouie) mène une guerre pour libérer son territoire des occupations mauritanienne (traité de paix avec la Mauritanie en 1979) et marocaine.

À partir de 1982, le Maroc choisit une nouvelle stratégie pour mieux résister à l’APLS, très offensive sur le terrain. Il construit progressivement un mur de défense qui lui permet de regagner une partie des territoires libérés par l’APLS. Ce mur terminé mesure 2700 km du nord au sud.

En 1984, reconnue par la majorité des États africains, la RASD est admise à l’OUA et y siège à part entière. Le Maroc quitte alors l’organisation régionale.

En 1988, le Conseil de sécurité de l’ONU s’engage davantage ; il fait adopter un Plan de paix par les deux parties, le Maroc et le Front Polisario, ainsi que le principe d’un cessez-le feu, mais sans retenir le préalable de négociations directes, comme le prévoyait le précédent plan proposé par l’OUA en 1983 (Résolution AHG 104)

1991 : mise en place du Plan de paix, cessez-le-feu en septembre et installation de la mission de paix, la MINURSO (Mission des Nations Unies pour l’Organisation d’un Référendum au Sahara occidental).

1999 : mort d’Hassan II et limogeage de son ministre des « Basses œuvres », Driss Basri. Les Sahraouis manifestent publiquement leur hostilité au Maroc et réclament un référendum.

De 1991 à 2004, le Maroc s’emploie à empêcher tout nouveau scrutin, trouvant chez les secrétaires généraux de l’ONU, successifs, tantôt de la complaisance, tantôt une volonté d’aboutir qui reste malgré tout sans succès.

En 2004, Mohammed VI abandonne le recours au référendum, reniant ainsi les engagements internationaux pris par son pays. L’ONU maintient toutefois son agenda, et, en réaction à ce coup de force, l’Afrique du Sud reconnaît la RASD.

En 2005 à nouveau, les Sahraouis des principales villes du Sahara descendent dans la rue, se révoltant contre l’occupation. Des associations se structurent en dépit de leur interdiction et réduisent l’isolement de chaque Sahraoui face à l’administration et la police marocaine.

C’est surtout en octobre 2010 qu’apparaît un mouvement massif, regroupant près de 50 % de la population sahraouie d’El Aïoun : les civils sortent de la ville et installent pendant un mois un camp de la liberté et de la protestation. Démantelé le 8 novembre de manière brutale, le camp de Gdeim Izik constitue un évènement fondateur dans l’histoire sahraouie depuis 1976, qui alimente désormais toute la résistance au Sahara occupé.

Depuis 2009, un nouvel envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU, Christopher Ross, ancien ambassadeur américain, s’est employé à relancer le plan de paix, les négociations entre les parties tout en respectant scrupuleusement les droits des Sahraouis. La résistance publique au Sahara change aussi la donne, ce qui est en jeu désormais c’est l’élargissement du mandat de la MINURSO pour donner à cette mission de paix les moyens de surveillance du respect des droits de l’homme au Sahara occupé.

Quelles perspectives aujourd’hui pour le Front Polisario, les associations sahraouies présentes au Sahara occidental et pour les associations et pays qui les soutiennent au plan international ?

En 1988 puis 1991, le Front Polisario a choisi la solution politique et a fait confiance aux Nations Unies pour mettre en place un référendum d’autodétermination, plutôt que de poursuivre la guerre. En dépit de l’impuissance de l’ONU à tenir son engagement, il maintient sa confiance dans l’institution internationale pour imposer au Maroc ce scrutin. La part prise depuis une dizaine d’années par les militants sahraouis des territoires occupés du Sahara est de plus en plus importante et donne au Front Polisario une plus grande capacité de négociation, tout en renouvelant sa légitimité. Désormais, la réalité de l’occupation marocaine est mieux connue, et la détermination à la refuser de la part de la majorité des Sahraouis, des jeunes en particulier, est très convaincante. L’attachement sans faiblesse des Sahraouis aux valeurs d’une lutte d’indépendance ne sombrant jamais dans le terrorisme, attachant un prix à chaque vie humaine, depuis 1976, a permis qu’ils soient fermement soutenus par de nombreuses associations solidaires et par des États, comme l’Algérie et de nombreux pays d’Afrique et d’Amérique latine. Leur histoire se construit dans ce trop long et douloureux exil, leur détermination et leur patience leur permettront d’y entrer indépendants !


Supplément Sahara info – 164/165 – 2014
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