Les camps de réfugiés sahraouis, territoire d’un état réfugié – Julien Dedenis, Doctorant en géographie

A. LES GÉOGRAPHIES ET LES CAMPEMENTS SAHRAOUIS

1. Les camps de réfugiés, des espaces absents de l’inventaire du monde
La géographie est l’une des sciences les plus anciennes mais aussi l’une des plus récentes. « L’ancienne » géographie existe depuis que l’homme est. Purement empirique, elle consiste en l’inventaire des ressources naturelles disponibles en un lieu donné et en la découverte des contrées inconnues du monde. Aujourd’hui, l’inventaire semble exhaustif, l’ensemble des terres immergées est connu, cartographié, et même photographié. Toutefois, et ce malgré la formidable disponibilité en informations permise par les révolutions techniques successives, il subsiste quelques trous noirs dans la connaissance géographique. L’espace des camps de réfugiés sahraouis, comme la totalité des camps de réfugiés de par le monde, en sont un exemple fort. Peut-être à cause de leur caractère provisoire ou encore à cause du manque de données statistiques relatives à ce type d’espace, les camps de réfugiés, qu’ils soient sahraouis, palestiniens ou encore guatémaltèques, peinent à attirer chercheurs et étudiants. Et bien qu’ils constituent un élément majeur d’un phénomène caractéristique du XXe siècle et du début de l’actuel, les migrations internationales, les camps de réfugiés sont des espaces très peu étudiés par les géographes. À ma connaissance, ceux des Sahraouis réfugiés en Algérie n’avaient jusqu’à maintenant jamais fait l’objet de travaux universitaires en géographie.
2. L’analyse sociospatiale, une méthode bien adaptée aux camps sahraouis

La nouvelle géographie, influencée par les progrès et les acquis des sciences sociales comme la sociologie et la psychologie, émerge en France au cours des années soixante-dix. Elle replace l’homme et la société au centre de sa recherche en utilisant l’analyse spatiale comme méthode fondamentale. De là s’affirme une géographie dite sociale dont l’objet d’étude est la société traitée selon les interrelations qu’elle entretient avec l’espace, c’est-à-dire l’ensemble de ces interrelations concentrées en un système que nous nommerons ici combinaison sociospatiale sahraouie réfugiée. Cette dernière est tout à fait exceptionnelle à plus d’un titre pour la géographie sociale telle que définie précédemment. En effet, les deux éléments principaux de la combinaison, la société et l’espace, sont nés simultanément et se sont développés corrélativement sur un temps relativement court à l’échelle de l’Histoire, à peine trente ans, et sans que d’important bouleversement ne vienne perturber l’évolution de l’un ou de l’autre. Cette combinaison, qui pour des raisons tenant à la fois de son caractère provisoire et du faible potentiel technique qui y est disponible, ne peut être étudiée que par son expression concrète, matérielle, c’est-à-dire le paysage des camps sahraouis, et par de multiples entretiens avec la population sahraouie réfugiée. Ainsi, le fait que la combinaison sahraouie réfugiée ne commence à se structurer il y a seulement trente ans sur un espace presque vierge de toute trace humaine facilite ce travail de terrain. Les mémoires sont encore relativement vives et le paysage ne répond que d’une seule stratégie d’aménagement. La faible épaisseur historique de cette combinaison compense donc partiellement le manque de données relatives à cet espace.

B. LES CAMPS, UNE PRODUCTION DE LA SOCIÉTÉ ET DE L’ESPACE

Afin d’expliquer la forme sous laquelle se présente actuellement la combinaison sociospatiale sahraouie réfugiée il peut être retenu deux grandes séries de facteurs. L’une répond du milieu physique particulièrement contraignant que présente la hamada de Tindouf et sur laquelle sont installés les camps. L’autre répond de la société sahraouie et se subdivise en deux sous-séries bien distinctes. La première correspond aux permanences de la société sahraouie traditionnelle, ou plus exactement pré-révolutionnaire, à la fois arabe, musulmane et bédouine, dans la combinaison sociospatiale d’aujourd’hui. La seconde répond du contexte contemporain : la révolution nationale (qui transforme une société dans laquelle l’identité est définie par la tribu en une société nationale où tous sont Sahraouis et égaux les uns par rapport aux autres), la guerre et l’exil. Les quelques éléments qui suivent sont exposés (trop) brièvement et ne sont pas nuancés. Ils sont à prendre comme des généralités, des grandes tendances et ne prétendent donc pas retranscrire une situation pour le moins complexe que quelques lignes peinent à résumer.

1. Une adaptation poussée à un milieu naturel contraignant
Le milieu physique de la hamada de Tindouf est a priori très peu favorable à la sédentarisation de plus de 155 000 personnes (UNHCR, Population statistics, 2002). Mais forts de leur expérience de grands nomades, les Sahraouis réfugiés ont su optimiser les quelques potentialités de la hamada au prix d’une adaptation parfois très poussée.
Deux exemples, pris à deux échelles extrêmes, celle de l’espace des camps dans son ensemble et celle de l’habitat, illustrent le propos. À la petite échelle, c’est-à-dire à celle de l’espace des camps, le milieu s’impose à la société par le fait que les localisations (les camps, les institutions…) sont pour la plupart situées à la verticale de nappes d’eau exploitables. Ainsi, la carte de l’espace des camps de réfugiés sahraouis coïncide presque parfaitement avec celle des ressources en eau disponibles sur la hamada de Tindouf. À la grande échelle, les adaptations architecturales sont nombreuses. De la forme ovale ou triangulaire des bâtiments publics, limitant ainsi les accumulations de sable destructrices, à l’étroitesse des ouvertures des pièces de briques sèches préservant la fraîcheur intérieure, en passant par les seuils de porte surélevés afin que le sable n’entre pas dans les pièces, les exemples ne manquent pas. L’influence du milieu physique est donc d’autant plus évidente que celui-ci est particulièrement contraignant.
2. Permanences de la société prérévolutionnaire
La société sahraouie réfugiée, bien que fortement imprégnée des idéaux dictés lors de la révolution sociopolitique survenue le 12 octobre 1975, n’en est pas moins influencée par un fond culturel arabo-musulman et bédouin. Cette double influence se retrouve dans l’aménagement de l’espace des camps sahraouis sans que la population n’en ait forcément conscience. D’abord, la structuration de cet espace n’est pas sans rappeler celle du Sahara caravanier du temps des grands nomades. Dans les deux cas, il s’agit d’un semis de points de sédentarisation (les oasis d’hier et les camps et institutions d’aujourd’hui) implantés dans un «océan» de «vide», interconnectés entre eux et reliés à des interfaces (cités marchandes comme Tombouctou ou Goulimine hier et Rabouni aujourd’hui) faisant le lien entre ce premier système (saharien caravanier hier et camps de réfugiés aujourd’hui) et « l’ailleurs » (les espaces sédentaires du Nord et du Sud hier et l’Algérie aujourd’hui). Par ailleurs, les permanences de la société traditionnelle au sein de la combinaison socio-spatiale sahraouie sont largement éclairées par la notion d’espace vécu. Concept fort de la géographie sociale telle que définie par A. Frémont, l’espace vécu peut être considéré très simplement comme l’espace personnel, individuel, propre à chaque homme, à chaque femme, et qui se compose de la somme des parcours banals sinon quotidiens. Mais quand pour des raisons politiques (statut de réfugié) et techniques (manque de moyens en transport individuels) la mobilité individuelle est réduite, les parcours individuels sont très proches les uns des autres, dans leurs tracés comme dans leurs intensités. Ainsi, dans le cas des Sahraouis réfugiés, il peut être distingué deux types principaux d’espace vécu. Celui des hommes s’applique à une échelle s’étendant au minimum à l’espace des camps alors que celui des femmes se réduit bien souvent au camp proprement dit, c’est-à-dire à la wilaya. Comme par le passé, ce sont les hommes qui s’occupent de la guerre, des relations diplomatiques, du commerce, etc. Et, ce sont les femmes qui s’occupent de la vie quotidienne au sein des camps. Ceux-ci sont d’ailleurs des espaces construits par et pour les femmes. Ainsi, fidèles à la dichotomie bédouine de l’espace vécu selon le sexe, les Sahraouis aujourd’hui réfugiés reproduisent une structure sociospatiale très ancienne malgré un contexte très différent. Enfin, ceux qui ont visité dernièrement les camps, et particulièrement celui de Smara, auront noté qu’au fur et à mesure que se développent les constructions en briques sèches le paysage du camp tend à ressembler à celui des medinas traditionnelles d’Afrique du Nord. Dans les deux cas, l’espace public est extrêmement réduit et se concentre au centre des habitations, le réseau des rues correspond aux intervalles laissés libres entre les constructions et n’a
pas été pensé en tant que tel, les étrangers sont logés dans un bâtiment à part, etc. L’analogie est encore plus flagrante quant aux aspects architecturaux. Pour illustration, retenons simplement les propos de C. Chaline décrivant l’habitat de la medina arabo-musulmane et qui s’appliquent parfaitement au cas sahraoui réfugié : « [une] maison basse, à cour centrale, domaine privilégié de la vie familiale et notamment féminine», (CHALINE C., 1996, Les villes du monde arabe, Paris, A. Colin, p. 55).
3. Influence des préceptes révolutionnaires et impact de l’exil
Si la combinaison sociospatiale sahraouie existe, c’est parce que la société qui la compose a subi la guerre puis l’exil en un espace politiquement étranger mais dont la très faible densité en population lui a permis d’acquérir une autonomie politique étonnamment large pour des réfugiés. Mais tout d’abord, si la guerre maroco-sahraouie n’a jamais débordé sur le territoire algérien, elle n’en a pas moins influencé l’organisation de l’espace des camps. À Rabouni par exemple, les ministères sont regroupés par trois ou quatre et chaque îlot est séparé des autres par plusieurs centaines de mètres compliquant ainsi d’éventuels bombardements de l’armée marocaine. Jusqu’au cessez-le-feu de 1991, la plupart de ces bâtiments étaient même enterrés et chaque famille entretenait une cache souterraine sous sa tente.
Mais l’originalité majeure de «l’expérience» sahraouie est que cette société, loin d’adopter une attitude défaitiste ou attentiste, a très tôt pris son destin en mains. Dès qu’il se crée, en 1973, le Front Polisario prend conscience de la primauté à accorder à l’unité de la population sahraouie. Celle-ci devient nation le 12 octobre 1975 lorsque toutes les grandes tribus d’alors se réunissent autour du jeune secrétaire général du Polisario, El-Ouali Mustapha Sayed, et proclame : «l’Unité nationale, la fin du « temps des tribus », et la naissance du peuple sahraoui », (CARATINI S., 2003, La république des sables, anthropologie d’une révolution, Paris, L’Harmattan, p. 31). La société sahraouie n’est donc plus tribale mais nationale et l’autorité n’est plus celle multiforme des chioukh mais celle unique du Front Polisario et bientôt, le 27 février 1976, de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD). Cette rupture sociale est très tôt suivie d’une rupture spatiale, l’exil vers l’Algérie, qui par certains de ses côtés favorise la révolution sociopolitique sahraouie. En effet, arrivés en ordre dispersé, membres d’ex-tribus amies ou ennemies mélangés, les Sahraouis réfugiés doivent reconstruire leur quotidien tout en se retrouvant concentrés sur un espace relativement restreint comparé à celui d’avant l’exil. Ainsi, la mixité sociale souhaitée se réalise d’abord sur le plan spatial. De plus, les hommes étant très souvent absents du foyer conjugal et les divorces étant relativement nombreux, les femmes sont de plus en plus réticentes à emménager auprès de leurs belles-familles comme cela était traditionnellement la règle, d’autant plus qu’avec le développement des constructions en dur les déménagements deviennent difficiles. Ainsi, la patrilocalité est renversée au profit de la matrilocalité et, la mixité tribale s’en trouve renforcée. En effet, prenons pour exemple une femme de la tribu x qui vivrait auprès de sa famille et qui aurait eu un enfant avec un père de la tribu y et deux autres avec un père de la tribu z. Dans ce cas, qui n’est pas celui de tous les Sahraouis réfugiés mais qui se retrouve fréquemment, vivent dans la même cour des individus d’au moins trois tribus différentes, sans compter les enfants que d’éventuelles sœurs auraient eu avec des membres masculins d’autres tribus. Ainsi, l’exil, et plus particulièrement l’espace des camps, a favorisé l’unité de la nation sahraouie en intensifiant les relations entre les membres des ex-tribus et en accélérant la mixité tribale.

C. QUELLE DÉFINITION GÉOGRAPHIQUE DES CAMPS SAHRAOUIS ?

Après en avoir déterminé les principaux facteurs constitutifs, il reste à définir la nature géographique de cette combinaison sociospatiale. Espace social de camps de réfugiés comme tant d’autres à travers le monde, elle n’en est pas moins le territoire de la RASD en exil.
1. Espace social des camps de réfugiés
Très simplement, l’espace social est une catégorie de l’espace structurée et vécue par la société. D’après le géographe R. Brunet, il répond, dans des conditions contextuelles «normales», de cinq fonctions : habiter, (s’) approprier, produire, échanger, gérer, (BRUNET R., 2001, Le déchiffrement du monde, théorie et pratique de la géographie, Paris, Belin, pp. 11-33). Ainsi, les espaces sociaux que sont les camps de réfugiés remplissent plus ou moins bien ces cinq fonctions à cause de leur nature anormale, ce sont en effet des espaces issus des suites « d ‘accidents » de l’Histoire. La fonction d’habiter y est pleinement remplie, c’est la nature même d’un camp de réfugiés que d’accueillir et de loger les populations pour lequel il a été crée. Par contre, de par leur nature provisoire, l’appropriation y est dans tous les cas incomplète. La fonction de production y est anecdotique voire nulle ce qui entraîne une fonction d’échange presque à sens unique, de l’extérieur vers l’espace des camps et dont l’essentiel correspond au captage des flux de l’aide humanitaire, que celle-ci s’exerce à l’échelle locale, régionale ou mondiale.
Enfin, la fonction de gestion est toujours entre les mains d’un triptyque associant les représentants des réfugiés et surtout les autorités du Haut-commissariat aux Réfugiés et celles du pays d’accueil.Tel est donc l’espace social de camps de réfugiés après examen de quelques exemples pris dans les exils palestiniens du Liban et de Jordanie et guatémaltèque du Mexique. L’espace social des camps de réfugiés sahraouis reproduit pour une large part ce modèle, avec des nuances d’importance toutefois en ce qui concerne l’appropriation et la gestion. En effet, contrairement aux autres réfugiés du monde vivant dans des camps, les Sahraouis exercent une triple appropriation sur l’espace qui leur est alloué. Elle est à la fois individuelle (le réfugié, ou plutôt la famille sahraouie s’approprie une parcelle et y plante sa tente et/ou y construit sa maison), collective (c’est l’espace refuge de la société sahraouie) et institutionnelle (c’est l’espace provisoire d’action et de repli de l’État sahraoui en exil), tout en étant incomplète à chacun de ces trois niveaux à cause du caractère provisoire de l’occupation. De plus, cas extrêmement rare sinon unique, la RASD exilée bénéficie d’une totale autonomie politique sur la surface qui lui est allouée par l’État algérien. Ainsi, contrairement aux autres espaces de camps de réfugiés, celui
des Sahraouis est sous le contrôle direct de la RASD. Le HCR et les ONG y jouent les rôles d’exécutants et de conseillers sous le contrôle de la RASD. Enfin, l’Algérie ne s’est jamais immiscée dans la gestion interne des camps et laisse toute latitude aux réfugiés. Sur le plan de sa gestion, la RASD est donc souveraine sur l’espace qu’elle occupe provisoirement au sein de l’État algérien.
2. Territoire d’un état en exil
C’est donc par ce que l’on nomme les fonctions superstructurelles de l’espace que se distingue l’espace social des camps de réfugiés sahraouis des autres camps de réfugiés. Ainsi, par cette triple appropriation et par cette fonction de gestion directement assumée par la population, l’espace social qu’est l’espace des camps sahraouis renvoie au concept de territoire. Celui-ci peut être défini comme une nouvelle dimension de l’analyse spatiale. Schématiquement, un espace devient territoire à partir du moment où il est socialisé, approprié et symbolisé. Reste donc à aborder les caractères de la symbolisation de la combinaison sociospatiale sahraouie réfugiée. L’espace n’est pas neutre, il est porteur de sens, d’autant plus s’il est reconnu comme étant territoire. La symbolisation d’un territoire vise généralement deux objectifs : en délimiter les contours et mettre en valeur les haut-lieux dans lesquels s’est scellée l’histoire nationale. Ici, seul le deuxième aspect est représenté.
En effet, quel intérêt y aurait-il à borner un territoire provisoire d’autant plus que celui-ci est vaste et entouré de «vide»?
Ce qui est mis en valeur c’est l’organisation mise en place, la nation, et non l’espace même sur lequel vivent les réfugiés sahraouis. Ils ne sont en effet que très peu attachés à la hamada en elle-même mais bien plus à l’espace qu’ils ont construit.
La toponymie est à cet effet particulièrement éclairante. Elle trouve son inspiration dans deux sources. D’une part les dates clés de l’histoire nationale et d’autre part la toponymie du Sahara occidental. Cela traduit tout à la fois le passé, le présent et le futur. L’utilisation de noms de lieux déjà existants au Sahara occidental rappelle à chaque instant le territoire perdu mais qui est aussi celui à reprendre, rappelant ainsi aussi bien le passé que le futur. De plus, si l’espace des camps est voué au provisoire, le modèle d’organisation territoriale qui y est éprouvé doit, lui, être reproduit dans le futur Sahara occidental indépendant. Ainsi, les quatre noms des wilayas des camps correspondent aux quatre centres urbains les plus importants du Sahara occidental. Ainsi, l’hypothèse selon laquelle les quatre préfectures de la RASD en exil préfigurent celles de l’État sahraoui indépendant est plus que plausible.
Ensuite, l’utilisation de dates clés de l’histoire nationale renvoie au présent. Un présent synonyme de lutte et de formation. En effet, si les dates rappellent trois des moments clés de la genèse de la nation sahraouie et de la lutte pour l’indépendance du Sahara occidental (12 octobre : proclamation de l’unité nationale, 27 février : création de la RASD, 9 juin : mort au combat du leader El-Ouali), elles s’appliquent exclusivement à des lieux de formation (école des femmes et pensionnats pour collégiens), comme pour mieux rappeler ce qu’a déjà accompli la nation sahraouie et que la formation des enfants et des femmes est une priorité dans les moyens d’action mis en œuvre pour «la cause».
Il est intéressant de noter qu’à ce propos S. Caratini parvient à des conclusions similaires, à partir des mêmes éléments mais selon une méthode d’analyse ethnologique, (CARATNI S., op. cit., pp. 87-95).
Les caractères de la symbolisation de ce territoire s’affranchissent donc totalement des caractéristiques physiques ou historiques de la portion d’espace sur laquelle sont installés les camps. Au contraire, elle renvoie à l’espace perdu/à reprendre. Cette symbolisation est caractéristique d’un territoire déraciné, d’un territoire en quelque sorte déterritorialisé puisque coupé de son essence même, le Sahara occidental, pour qui et par qui le territoire des camps est.

CONCLUSION

En somme, la combinaison sociospatiale sahraouie réfugiée est bien un espace social de camps de réfugiés. Mais plus encore, elle est aussi territoire. Territoire d’un peuple réfugié mais aussi de la nation qui en est née et de son État.
Ainsi, c’est non seulement un peuple qui est ici réfugié mais aussi l’État qui le représente ; et la combinaison sociospatiale sahraouie réfugiée en est le territoire.
Ainsi, il s’agit bien d’un État (bien que relativement peu reconnu) avec tout ce que cela comporte (constitution, présidence, ministères, administrations, législation…) mais selon les conditions propres au statut de réfugié (hyperdépendance vis-à-vis de l’aide internationale, caractère provisoire de l’installation…).
En définitive, la combinaison sociospatiale sahraouie réfugiée est le territoire d’un État réfugié, la RASD.

Sahara Info n°127
Juillet août septembre 2004