SAHARA OCCIDENTAL Occupation marocaine et spoliation des ressources naturelles

Le Sahara occidental, situé au nord-ouest de l’Afrique, entre le Maroc et la Mauritanie, est reconnu par les Nations Unies comme territoire non autonome, dont le peuple a le droit inaliénable à disposer de lui-même, ce qu’il n’a pu faire jusqu’à aujourd’hui. Après son invasion du Sahara occidental suite à la Marche verte en novembre 1975, le Maroc a dépensé des milliards de dollars afin d’empêcher la création d’un État indépendant. L’exploitation des ressources naturelles du Sahara occupé lui a permis, en partie, de financer la guerre et d’ancrer durablement cette occupation coloniale.

L’Intégration du Sahara occidental à l’économie marocaine s’oppose au droit à l’autodétermination.

L’occupation du Sahara occidental ne peut se comprendre sans l’associer au développement économique du Royaume marocain. Cependant, il est difficile d’évaluer avec précision l’importance des productions qui viennent du Sahara car le Maroc entretient l’opacité des données, les « provinces du sud » ne sont pas clairement distinguées dans les statistiques nationales et ne correspondent pas exactement au Sahara occupé. Colonisation de peuplement, confiscation des ressources, le Maroc mène depuis 40 ans une politique qui empêche très concrètement l’autodétermination du peuple sahraoui, sous l’œil impassible, impuissant de la Communauté internationale qui trop souvent laisse faire, tout en rappelant chaque année dans la résolution adoptée en avril par le Conseil de sécurité, son droit à l’autodétermination.


Le saviez-vous ?


• Le Sahara occidental est riche en ressources naturelles déjà exploitées – phosphates, ressources halieutiques – et potentielles – énergies renouvelables, gaz, pétrole…
• Le niveau des réserves de phosphates, estimées aujourd’hui à 1,1 milliard de tonnes, fait de Bou Craâ l’un des plus grands gisements de phosphates au monde.
• Les côtes du Sahara occidental s’étendent sur 1700 km et sont très poissonneuses. Aussi la pêche marocaine s’exerce désormais pour près de 70% de ses prises, dans les villes côtières sahraouies de Dakhla, Boujdour, El Aïoun.
• On retrouve sur les tables des Européens des tomates fraiches, des nectarines, des melons estampillés « origine Maroc ». Ce que l’on ne sait pas, c’est qu’une partie de ces produits provient du territoire occupé du Sahara occidental, en particulier de la région de Dakhla.
• Le territoire du Sahara occidental présente des atouts certains pour la production d’énergie solaire et éolienne.
• Le Maroc a délivré, en toute illégalité, des autorisations de prospection pétrolière et gazière au large des côtes du Sahara occidental.


Des ressources naturelles confisquées

La plus longue barrière militaire opérationnelle au monde se trouve au Sahara occidental ! Cette barrière ou mur (berm) coupe le territoire sahraoui du nord au sud sur 2700 km ; il a été peu à peu construit par le Maroc depuis 1982 pour isoler le « Sahara utile » et en exploiter les ressources « en toute sécurité ». A l’est du mur se trouvent les territoires libérés par l’Armée Populaire de Libération Sahraouie et administrés par l’État sahraoui en exil. Aussi avec cette barrière infranchissable, les Sahraouis des camps de réfugiés de Tindouf et ceux des territoires libérés sont coupés et privés de leurs ressources. Les Sahraouis qui sont restés dans la partie occupée par le Maroc sont à peine mieux lotis et n’occupent qu’un faible pourcentage des emplois existant dans leur territoire. Par exemple, aucune des douze fermes d’exploitation intensive au nord de Dakhla n’appartient à des Sahraouis. Parmi les 700 à 1000 employés des fermes, quatre sont Sahraouis. À Dakhla, très peu de permis de pêche sont accordés aux pêcheurs sahraouis (5% des pêcheurs) et la pêche au large est réservée aux chalutiers marocains. L’industrie du phosphate emploie environ 3 000 travailleurs mais seulement 21% sont Sahraouis, et occupent en majorité des emplois non qualifiés. Ils ne représentent que 4% des techniciens qualifiés. Cette situation très défavorable est liée à la politique de colonisation de peuplement menée par le Maroc depuis 1976. Près de 300 000 citoyens marocains ont été encouragés à venir s’installer dans « les provinces du sud », c’est ainsi que le Maroc désigne « son Sahara », pour y bénéficier d’avantages fiscaux, y trouver du travail ou de meilleurs salaires. Ils représentent en 2015 de 60 à 80 % de la population du Sahara occupé, suivant les régions, et occupent la majorité des emplois, même ceux du petit commerce traditionnel.


Le pillage des phosphates ressource historique

L’industrie du phosphate, l’exportation la plus lucrative du territoire, a rapporté plus de 300 millions de dollars en 2013 à l’Office Chérifien des Phosphates (OCP). D’après Western Sahara Resource Watch (WSRW), la mine de Bou Craâ contribue pour 10% de la vente totale des phosphates au Maroc. L’OCP a mis en place un programme de développement évalué à 2,45 milliards de US$, pour la période 2013-2030, pour permettre au Maroc de maintenir son rang au niveau mondial.


Aujourd’hui, attention aux tomates faussement étiquetées Maroc !

Selon le ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime du Maroc, la filière des fruits et légumes représente 60% du total de ses exportations agricoles. C’est une source importante de devises évaluée à 9 milliards de Dirhams par an.

Mais quelle est la part du Sahara occidental ?

On sait que de nombreux camions chargés de tomates de Dakhla remontent quotidiennement jusqu’à Agadir (à 1200km) où leur cargaison est conditionnée sous le label «Maroc». On trouve ainsi dans les supermarchés européens, en période hors saison, les tomates-cerises des marques Étoile du Sud, Idyl, Azura indiquées comme venant du Maroc, mais toutes récoltées dans les serres de Dakhla, conditionnées puis commercialisées par des sociétés franco-marocaines.

Vérifiez l’origine des produits et n’achetez pas de tomates portant ces marques. Ne soyez pas complices de cette fraude.

Demain, des ressources énergétiques

La firme TOTAL a reçu du Maroc une autorisation de prospection pour un immense bloc «Anzarane» (de la taille du Portugal !) au large du Sahara occidental et a déjà investi, d’après les estimations de WSRW, 75 millions de US$. Dans le cadre du Plan solaire et du Programme éolien, le Maroc projette d’installer deux grands parcs de production d’énergie solaire et quatre parcs éoliens au Sahara occidental. Aujourd’hui, la production d’énergie renouvelable produite en territoire occupé représente 5,5% de la production marocaine. En 2020, ce sera 26,4% !

Ainsi les investissements marocains, développés à partir du règne de Mohamed VI au Sahara occidental, dans la pêche et sa transformation, dans le maraîchage intensif, dans l’exploration du potentiel gazier et pétrolier off-shore, dans la modernisation de l’exploitation des phosphates sont à la fois destinés à mieux « rentabiliser » les ressources de ces « provinces » et à « définitivement » les intégrer à l’économie du Maroc. En essayant au maximum d’y associer l’Union européenne (EU), les entreprises et banques étrangères, pour le développement des énergies renouvelables par exemple, le Maroc poursuit un double objectif : des accords commerciaux qui « installent » dans les textes « la marocanité » du Sahara et qui intègrent les ressources sahraouies dans l’économie mondiale sous son contrôle.


Des accords commerciaux en violation du droit international

En concluant des accords commerciaux, le Maroc cède des droits qu’il ne possède pas, puisqu’il n’est pas souverain au Sahara occidental.
Pourtant en 2001, il délivra des licences pétrolières pour ce territoire. C’était une première ! Le Front Polisario (seul représentant légitime du peuple sahraoui) réagit immédiatement auprès de l’ONU, contrainte de prendre « ses responsabilités » et de rappeler le droit. L’année suivante, Hans Corell remit son avis au Conseil de sécurité de l’ONU, sur les conditions dans lesquelles pouvaient être exploitées, dans le respect du droit international, les ressources naturelles d’un territoire non-autonome. Deux conditions étaient rappelées : les ressources doivent être exploitées dans l’intérêt du peuple du territoire occupé et exploitées en son nom avec consultation de ses représentants. Sinon, cette exploitation violerait le droit international. Le Maroc n’a jamais sollicité l’avis du peuple sahraoui ni de son représentant le Front Polisario sur ces activités et n’a également jamais apporté aucune preuve que ces activités se faisaient au bénéfice du peuple du Sahara occidental. L’Avis onusien n’a pas fait bouger les autorités marocaines, mais a donné à terme les arguments juridiques indispensables à la défense des intérêts du peuple sahraoui, dont vont se saisir les associations sahraouies et européennes.


Des entreprises complices de l’occupation ?

De nombreuses entreprises étrangères bénéficient d’une autorisation illégale du Maroc d’investir, de développer leurs activités au Sahara. WSRW affirme par exemple que plus de 11 sociétés étrangères sont impliquées dans l’importation du phosphate, 50 dans le transport du minerai, 4 dans le transport des produits de la pêche, auxquelles il faut ajouter les sociétés impliquées dans l’exploration pétrolière, telles la française Total, l’américaine Kosmos Energy associée à l’écossaise Cairn, l’anglo-irlandaise San Leon.


Le Maroc, un partenaire privilégié de l’Union Européenne (UE) au détriment du peuple sahraoui

Depuis 1963, le Royaume du Maroc entretient des rapports commerciaux étroits avec la Communauté européenne puis avec l’Union européenne Ce qui conduit l’UE à accorder au Maroc le « statut avancé » et l’intégration progressive du royaume au marché intérieur de l’UE. Depuis mars 2013, des négociations commerciales pour un Accord de Libre Echange Complet et Approfondi (ALECA) ont été lancées pour concrétiser cette intégration.

Si, selon la résolution du Parlement européen du 16 février 2012, le «commerce et l’investissement sont les moteurs de la croissance et contribuent à réduire la pauvreté, à rapprocher les peuples, à renforcer le lien entre les nations et à assurer la stabilité politique », dans le cas de l’accord d’association UE-Maroc, ils se développent au détriment d’un autre peuple dont le droit à l’autodétermination n’a pas été respecté.


La pêche européenne sur les côtes sahraouies

Le Maroc se situe au 18e rang de la production halieutique dans le monde, soit 4 % de la production mondiale. Mais il n’est jamais précisé que ces bons résultats correspondent pour l’essentiel aux prises réalisées sur les côtes sahraouies.

Depuis 1996, le partenariat entre l’UE et le Maroc inclut une coopération dans le domaine de la pêche au moyen de protocoles pluriannuels. De février à décembre 2011, c’est un protocole provisoire qui a pris la place de l’accord, son renouvellement n’allant pas de soi au Parlement européen, un accord trop onéreux, ne garantissant pas une pêche durable ni le respect du droit du peuple sahraoui. En effet les termes de l’accord n’excluaient pas clairement les eaux territoriales sahraouies.

L’Union Européenne allait-elle agir en conformité avec le droit inter- national ? Elle n’a pas résisté très longtemps aux pressions et au « réalisme économique » : depuis le 5 septembre 2014, l’Europe verse 30 millions d’euros par an au Maroc en échange de 126 licences de pêche et d’un accord sur la pêche industrielle pélagique, qui passe de 20 000 tonnes à 80 000 tonnes par an. Sur les 126 licences de pêche, plus de la moitié peuvent être utilisées dans les eaux territoriales du territoire occupé. L’accord sur la pêche pélagique est particulièrement inquiétant, car cette pêche se pratique exclusivement au large du Sahara occidental. Les propres réserves pélagiques du Maroc ont été surexploitées et sont presque épuisées. Les stocks pélagiques du Sahara occidental courent maintenant le même risque, puisqu’ils sont ciblés par les navires industriels européens et russes et par l’augmentation des flottes industrielles privées, comme décrit dans un rapport de Greenpeace de novembre 2013.
Enfin Hans Corell, en commentant la conclusion de l’Accord de partenariat entre l’UE et le Maroc, affirmait : « Dans tous les cas, j’aurais pensé qu’il était évident qu’un accord de ce type qui ne fait pas de distinction entre les eaux au Sahara occidental et les eaux adjacentes au territoire du Maroc, violerait le droit international ».

Si l’Union européenne ne respecte pas le droit international, d’autres États le respectent.

En 2010, la Suisse et la Norvège ont déclaré que l’accord signé en 1997 entre le Maroc et les membres de l’Association Européenne de Libre Echange (Suisse, Norvège, Liechenstein, Islande) n’incluait pas le territoire du Sahara occidental. De plus, le gouvernement norvégien a demandé aux compagnies norvégiennes de ne pas investir au Sahara occidental, ni de faire du commerce avec les produits du territoire. De même, les États-Unis ont exclu les produits du Sahara occidental dans l’accord de libre-échange qu’ils ont signé avec le Maroc en 2004, arguant que « les États-Unis et de nombreux autres pays ne reconnaissent pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ».


Le Maroc est une puissance occupante

Le 26 juin 2015, le Conseil Fédéral Suisse a répondu positivement à la démarche du Front Polisario, qui devient donc Partie aux Conventions de Genève de 1949, auxquelles le Maroc est également Partie depuis plusieurs années. Les Conventions de Genève sont des traités internationaux fondamentaux dans le domaine du droit international humanitaire. Elles définissent des règles de protection des personnes (combattants et civils) en cas de conflit armé. En particulier, tout transfert de population civile de la puissance occupante dans les territoires occupés vient en violation de la IVe Convention de Genève (article 49).
Cette signature a des conséquences importantes : elle confirme l’occupation militaire du Sahara occidental, la légitimité du mouvement de libération à lutter contre cette force d’occupation. Elle signifie en outre la reconnaissance du Front Polisario comme représentant officiel du peuple sahraoui, établissant ainsi que les ressources naturelles du Sahara occidental ne peuvent être exploitées sans son accord express ; ce dont les firmes étrangères qui ont cru pouvoir développer leurs activités au Sahara occidental en fonction d’autorisations marocaines doivent prendre conscience.

Autres textes internationaux établissant le droit du peuple sahraoui à disposer de ses ressources naturelles

Pacte International relatifs aux droits économique, sociaux et culturels (PIDESC) ratifié par le Maroc :

Article premier. 1. Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.
2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles […]. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance.

Déclaration sur le droit au développement adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU (4-12-1986) :

Article premier. 2. Le droit de l’homme au développement suppose aussi la pleine réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui comprend, sous réserve des dispositions pertinentes des deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, l’exercice de leur droit inaliénable à la pleine souveraineté sur toutes leurs richesses et leurs ressources naturelles.


La résistance sahraouie face au pillage de ses ressources.

Cette résistance est devenue une des formes de la lutte pour l’autodétermination. Il faut d’abord mieux connaître son territoire et ses ressources. L’Observatoire sahraoui pour les ressources naturelles du Sahara occidental, créé en 2013 dans les camps de réfugiés, s’applique à documenter l’état des lieux, à repérer les projets marocains ; il est sensible à l’équilibre écologique de la région et engage avec les associations européennes des campagnes de protestation.

Les associations dans les territoires occupés sont également actives. La puissance occupante ne manque pas de repérer ces militants et exerce une répression brutale. En 2010, lors de la grande protestation du camp de Gdeim Izik, la souveraineté sur les ressources naturelles figurait parmi les revendications. S. Lemjiyed, Président du Comité Sahraoui pour la Protection des Ressources Naturelles au Sahara occidental, a été arrêté lors du démantèlement du camp et condamné à la prison à perpétuité par un tribunal militaire marocain.

A côté des initiatives militantes, le Front Polisario s’attache à contester juridiquement les accords commerciaux ou de coopération passés par le Maroc. Le 16 juin 2015, il a présenté, devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) son recours contre l’accord UE-Maroc qui n’exclut pas de son champ d’application territorial le Sahara occupé. L’arrêt de la CJUE est attendu.

Régulièrement, le gouvernement de la République Arabe Sahraouie Démocratique attire l’attention du Secrétaire général des Nations Unies sur les spoliations répétées des ressources du territoire occupé. Dernièrement, le 16 juillet 2015, le Président a demandé au Secrétaire général de l’ONU d’intervenir contre les forages de la société San Léon qui visent les réserves potentielles de gaz dans les profondeurs du site El Aïoun 4.


L’Union Africaine (UA) soutient la résistance sahraouie

Le 27 mars 2015, le Conseil de paix et de sécurité de l’UA « recommande l’examen d’une stratégie globale de boycott des produits des compagnies impliquées dans l’exploitation illégale des ressources naturelles du Sahara occidental ». De nouveau, le 9 septembre 2015, l’UA confirme dans un Avis légal : « Toute exploration et exploitation des ressources naturelles par le Maroc est illégale car elles violent le droit international et les résolutions de l’ONU relatives au droit à l’autodétermination et à la permanente souveraineté du peuple du Sahara occidental sur ses ressources naturelles ».


Pour en savoir plus, sources et références
  • Western Sahara Resource Watch : http://www.wsrw.org/lFR et son relais francais APSO : http://ap-so.blogspot.fr
  • Fish Elsewhere – Stop à la pêche européenne au Sahara occidental occupé : http://www.fishelsewhere.eu/lFR
  • Déclaration 2002 de Hans Corell en français http://www.arso.org/Olafr.pdf
  • Rapport sur les violations du Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels par le Royaume du Maroc tbinternet.ohchr.org/Treaties/…/INT_CESCR_CSS_MAR_21582_F.pdf
  • Hold up à Bruxelles, les lobbies au cœur de l’Europe José Bové, Gilles Luneau ; Ed La Découverte 2004
    Article «WSRW « Le pillage des ressources naturelles du Sahara occidental continue » Philippe Riché Sahara-Info 147 (2009)

Sahara occidental – Occupation marocaine et spoliation des ressources naturelles
Supplément Sahara info 168/169 – Novembre 2015