Les aspects juridiques de la lutte pour l’indépendance

Gianfranco FATTORINI, conseil de la CONASADH (Commission Nationale Sahraouie des Droits Humains) auprès des instances des droits de l’homme de l’ONU à Genève est intervenu à deux reprises pendant l’AG. Il nous a transmis le compte-rendu de ses interventions.

à la tribune, Monsieur Ringot s’adresse à l’Assemblée

La décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le 21 décembre 2016, au terme d’un long processus. Le Comité de décolonisation de l’ONU déclare le Sahara occidental « territoire non-autonome » en 1963. En 1975, la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye rend un avis juridique qui confirme avec un vote majoritaire le statut de « territoire non autonome », car aucun document ne prouve la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Mais la faiblesse de cet avis réside dans le fait qu’il n’a pas été adopté à l’unanimité des membres de la Cour, et qu’il existe des avis minoritaires plus favorables à la thèse marocaine. En 1992, Hans Corell, Conseiller juridique de l’ONU, rend un avis un peu ambigu, laissant la possibilité d’interprétations différentes, sur la question de l’exploitation des ressources du Sahara occidental.

Aussi ce 21 décembre 2016, l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne a été central car il s’applique immédiatement à toutes les parties, au Conseil de l’UE et à chacun de ses États membres comme au Maroc. Cet arrêt a donné pleinement raison au Front Polisario.

Pour aboutir à cet arrêt, la CJUE a repris les principaux textes des Nations Unies. La résolution de l’Assemblée générale de 1966 invitant l’Espagne à organiser un référendum d’autodétermination.

Celle du Conseil de sécurité du 6 novembre 1975, jour de la « marche verte », qui demande au Maroc de retirer toutes les personnes, civiles ou militaires, entrées sur le territoire. La lettre adressée par l’Espagne en février 1976 au secrétaire général de l’ONU annonçant qu’elle se retire du territoire et ne se sent plus responsable. Depuis lors, le Sahara occidental est le seul territoire non-autonome qui ne dispose pas d’une puissance administrante, ce qui en fait aussi le seul territoire non-autonome qui ne participe à aucune réunion technique des Nations Unies, normalement prévue par plusieurs résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social de l’ONU. En novembre 1979, l’Assemblée générale a vivement déploré l’occupation du Sahara occidental par le Maroc et a demandé à Rabat de mettre fin à cette occupation. L’année suivante en novembre 1980, elle réitère son appel. Partant de ces textes de l’ONU, la CJUE a pu arrêter que le Maroc n’est pas puissance administrante au Sahara. D’autre part, dès 1979, l’Assemblée générale des Nations Unies avait reconnu le Front Polisario comme le représentant du peuple sahraoui.

A partir de ces différentes données, la CJUE
considère qu’aucune activité économique ne peut être menée sans l’accord du représentant du peuple sahraoui, le Front Polisario. Une action en justice sera conduite pour exiger le versement des taxes qui n’ont pas été levées sur le commerce des poissons et de leurs dérivés depuis l’entrée en vigueur de l’Accord de libéralisation entre l’UE et le Maroc.

Devant les tribunaux nationaux, des actions en justice peuvent être menées, même par des associations comme les nôtres, en accord avec les représentants du Front Polisario. Un exemple, Gianfranco recommande d’interroger les cantines scolaires pour connaître leurs fournisseurs, a n de découvrir l’origine de leurs approvisionnements, et pour intervenir auprès d’eux si cette origine est le Sahara occidental !

Au niveau de l’AELE, l’Association Européenne de Libre- Échange (dont les membres sont la Norvège, la Suisse, l’Islande et le Liechtenstein) la question va prochainement être posée dans les mêmes termes.

Déférer les Sahraouis arrêtés après le démantèlement du camp de Gdeim Izik devant une Cour militaire, en février 2013, c’est reconnaître la situation d’occupation. Aussi les accusés devraient-ils être incarcérés et jugés en territoire occupé. C’est pourquoi un collectif international d’avocats a été constitué en décembre 2016 en défense des prisonniers sahraouis de Gdeim Izik pour plaider le droit international humanitaire (DIH), le droit de la guerre tel qu’il a été dé ni par les Conventions de Genève (le Maroc et le Front Polisario y ont adhéré). Car les avocats sahraouis et marocains sont interdits de plaider le DIH, au risque de graves sanctions.


Supplément Sahara info 170/171 – Février 2017
Assemblée Générale de l’AARASD à Gravelines, une réunion très stimulante et bien amicale p.5