Après l’Arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), la Commission, encouragée par la France, tente un tour de passe-passe !

L’Arrêt de la Cour de justice de l’UE du 21 décembre 2016 énonce clairement que le Sahara occidental et le Maroc sont deux territoires séparés et que les accords signés entre l’UE et le Maroc ne peuvent en aucun cas s’appliquer au territoire du Sahara occidental.

Cette décision, en conformité avec le droit international, contrarie la France qui rappelle son attachement « à la relation entre l’Union européenne et le Maroc ».

Le gouvernement français demande alors explicitement à la Commission européenne de trouver une solution pour que « le protocole de libéralisation des produits agricoles s’applique bien au Sahara occidental » tout en respectant la décision de la Cour de Justice !

L’Association des amis de la RASD dénonce, dans un communiqué publié le 30 mai, cette tentative de détournement.


Association des Amis de la République Arabe Sahraouie Démocratique

Communiqué de presse – Paris, le 30 mai 2017

L’Association des Amis de la République Arabe Sahraouie Démocratique apprend, bien que rien n’ait été rendu public, que le Conseil de l’Union européenne pourrait décider dès aujourd’hui de donner mandat à la Commission pour qu’elle renégocie l’Accord d’association UE-Maroc afin de pouvoir qualifier les produits issus du Sahara occidental comme étant originaires du Maroc.

Cette décision serait parfaitement illégale, compte tenu de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) du 21 décembre 2016 qui déclare, en conformité avec le droit international, que le Sahara occidental est un territoire séparé et distinct du Maroc, sur lequel le royaume n’a aucune souveraineté, et que tous actes commerciaux concernant des produits issus de ce territoire (phosphates, pêche, huiles de poisson, tomates et melons, sable, sel) ne peuvent se faire sans le consentement du peuple sahraoui.

Nous savons, encore une fois malgré le black-out imposé, que c’est sur ce dernier point que le mandat de la Commission pourrait jouer afin de trouver moyen de contourner l’arrêt de la CJUE. Il s’agirait de remplacer le « consentement du peuple sahraoui » par celui de la population vivant au Sahara occidental occupé, laquelle est composée en très grande majorité de colons marocains. Ces derniers seraient consultés à travers les instances élues dans le cadre des institutions marocaines, celles de la puissance occupante, qui ne peuvent naturellement pas exprimer le consentement du peuple sahraoui.

Seul le Front Polisario, reconnu par l’ONU comme son représentant unique et légitime, peut le faire.

Les États membres de l’Union européenne doivent savoir les dangers qu’il y aurait à suivre cette incitation à détourner l’esprit et la lettre de l’arrêt de la CJUE. Car le Front Polisario est décidé à faire valoir les droits du peuple sahraoui, et la justice européenne peut maintenant l’y aider.

Quand les positions de l’UE ont toujours été de suivre le droit international, que celui-ci proclame la souveraineté du peuple sahraoui sur ses ressources naturelles, il n’est pas possible de céder aux pressions du royaume marocain uniquement préoccupé de s’accaparer ces ressources. Et alors que toute une partie du peuple sahraoui a dû fuir en exil il y a plus de quarante ans devant l’invasion militaire marocaine, et vit toujours dans des conditions précaires dans des camps de réfugiés dans le sud-ouest de l’Algérie.


Le mandat de négociation proposé le 19 avril par la Commission européenne au Conseil de l’UE reconnaît un seul partenaire, le Maroc ! Malgré les réticences de quelques États membres, notamment les Pays-Bas, le Danemark et la Suède, il a été accepté par le Conseil de l’UE le 29 mai et devra ensuite être ratifié par le Parlement européen, après discussions et vote dans les différentes commissions concernées. Cette procédure pourrait prendre une année.

Son contenu n’est toujours pas public, mais l’on sait, par différentes indiscrétions, dans quel sens il va. Et celui-ci est déjà vivement critiqué par un groupe de parlementaires européens, dont la présidente Jytte Guteland et plusieurs vice-présidents de l’Intergroupe pour le Sahara occidental, qui s’insurgent dans une lettre à Madame Mogherini et aux commissaires Moscovici et Malmström du fait que ce mandat confonde le « peuple » du Sahara occidental avec la « population » du Sahara occidental occupé, constituée d’une grande majorité de colons marocains.
Cette lettre incite tous les citoyens européens à demander à leur gouvernement « une transparence totale sur leur position et leur vote sur le mandat de négociation dans la période à venir. » Elle ajoute : « Nous croyons que les droits et l’avenir du peuple sahraoui et les principes fondamentaux de notre ordre juridique européen, qui nous concernent tous en tant qu’Européens, ne peuvent être écartés pour satisfaire les intérêts géopolitiques et commerciaux de quelques-uns. »

L’exploitation illégale par le Maroc des richesses naturelles du Sahara occidental, en particulier des phosphates, de plus en plus mise en cause au niveau mondial

Depuis plusieurs mois, des fonds d’investissements, des banques et des compagnies d’assurances (de Suède, du Luxembourg, des Pays-Bas, des États-Unis…) se retirent des compagnies qui achètent des phosphates issus du Sahara occidental au Maroc. Tout dernièrement, le 12 juin, l’un des plus grands groupes financiers suédois, la banque SEB, a annoncé qu’elle sortait de son portefeuille quatre clients des phosphates du Sahara Occidental, y compris les deux principaux importateurs canadiens, Agrium et Potash Corp (source : Western Sahara Resource Watch, WSRW).

Deux navires transportant des phosphates du Sahara occidental bloqués dans les ports de Panama, en République du Panama, et de Port Elizabeth en Afrique du Sud.

Le navire danois Ultra Innovation, bloqué le 17 mai, a quitté le Panama le 21 mai après versement d’une caution. Mais la plainte suit son cours…

Le vraquier NM Cherry Blossom entré le 1er mai dans Port Elizabeth est toujours retenu suite à la plainte du Front Polisario. Après une audience le 18 mai, la Haute Cour sud-africaine a rendu son jugement le 15 juin. La cour a décidé qu’il était légitime de retenir le bateau jusqu’à la tenue d’un procès qui devrait déterminer à qui appartient la cargaison : au Maroc ou au peuple sahraoui. D’après WSRW, cette cargaison de 54 000 tonnes de minerai est estimée à 5,2 millions de dollars. Elle serait destinée à Ballance Agrium en Nouvelle-Zélande, représentant un quart de son importation annuelle. Cette escale forcée (déjà plus de 6 semaines) et l’incertitude financière que représente l’immobilisation et la possibilité d’une caution exorbitante est un coup dur pour l’importateur !

Comme le rappelle WSRW, le « jugement de la Cour de justice de l’UE établit clairement […] que l’activité commerciale au Sahara Occidental exige le consentement de l’organe représentatif du peuple du territoire », à savoir le Front Polisario.

Le Front Polisario et des associations militantes ont mené à plusieurs reprises des actions pour faire contrôler des navires transportant des produits du Sahara occidental. Exemples : le Key Bay, chargé d’huile de poisson à destination de la France en janvier 2017, le Southwester chargé de 35 000 tonnes de sable à destination des Baléares en mai 2017, le Magellan chargé de sel à destination des Pays- Bas en mai également.

Jusqu’à présent, ces différentes plaintes n’ont pas abouti, mais elles concourent à alerter l’opinion et les autorités des différents pays européens – dont la France – sur le pillage des ressources naturelles du Sahara occidental par le Maroc. Elles contribuent aussi à sensibiliser les industries et importateurs sur les dangers juridiques et financiers qu’il y a à maintenir toute activité d’exploitation ou de commercialisation des ressources non renouvelables, mais également renouvelables, du territoire occupé du Sahara occidental.

La réponse surprenante du Commissaire européen à la pêche Pour mémoire, la plainte du Front Polisario contre l’accord de pêche signé entre l’Union européenne et le Maroc, accord renouvelé en 2011 après de nombreuses péripéties, est toujours en cours. Une décision pourrait être attendue au cours de l’été 2017. En février 2017, à la suite de la décision de la CJUE de décembre 2016, 13 députés européens ont interrogé la Commission européenne sur la « légalité des activités de pêche de l’Union au Sahara occidental dans le cadre de l’accord de partenariat UE-Maroc dans le domaine de la pêche. »

« Les eaux du Sahara sont incluses dans l’accord de pêche conclu entre le Maroc et l’Union européenne », affirme le Commissaire à la pêche au nom de la Commission européenne. Et Monsieur Vella d’ajouter : « La Commission est convaincue que cette inclusion dans l’accord est pleinement cohérente avec les dispositions pertinentes du droit international » !

La bataille continue donc !

Dans un communiqué du 20 juin 2017, le gouvernement sahraoui informe l’industrie maritime des risques liés à la participation au pillage du Sahara Occidental

La République Sahraouie a publié le 20 juin ce qu’elle appelle une «Déclaration de politique du gouvernement de la République Sahraouie sur le risque et la responsabilité des navires transportant des ressources naturelles du Sahara Occidental occupé.»

La déclaration indique que les deux arraisonnements intervenus en mai 2017 ne sont pas les premiers. « Les navires qui portent la précieuse marchandise de minerai de phosphate du Sahara Occidental occupé seront poursuivis en justice », indique le communiqué.

Pour en savoir plus, voir le site de WSRW


Supplément Sahara info 172 – Actualités de juin 2017
Après l’Arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne… p.2 à 3